[Info/The Square] : Sanaa Seif, monteuse de The Square, condamnée à trois ans de prison.

En Novembre 2013, Adli Mansour , ancien Président de l'Egypte (4 Juillet 2013 - 8 Juin 2014), fait adopter par décret une loi concernant le droit de manifestation. Selon cette nouvelle loi, le gouvernement est désormais libre d'autoriser ou au contraire de bannir toute manifestation pouvant porter préjudice à l'intérêt de la nation. Comme le montre le film The Square, l'Egypte n'est pas une terre historiquement liée à la démocratie pluraliste et à la liberté du peuple. A l'issue des protestations de la place Tahrir, une partie du peuple Egyptien découvre la possibilité de se réunir dans la rue et de manifester à l'encontre d'une politique violemment menaçante. Très vite, de nombreux activistes qui s'opposent au gouvernement et déplorent le sabotage du processus démocratique en Egypte sont arrêtés et retenus en détention dans l'attente de leurs procès. De nombreuses associations de défense des Droits de l'Homme dénoncent des conditions d'emprisonnement particulièrement inquiétantes, et qualifient cette loi de "draconienne", anti-démocratique.

Le 21 Juin 2014, des milliers de personnes se rassemblent près du Caire afin de manifester leur soutien aux activistes en détention, et afin de s'opposer à la fameuse loi. Parmi elles, Yara Sallam, féministe et démocrate est accompagnée de son cousin. Ils achètent de l'eau dans un kiosque lorsque la police les arrête en marge d'incidents poussant les autorités à faire usage de gazs lacrymogènes ainsi qu'à procéder à une trentaine d'arrestations. Le jeune homme est relâché le soir même. Yara Sallam quant à elle membre de l'Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR) et liée au April 6 Youth Movement, restera en détention provisoire jusqu'à son procès.



Le 10 Juillet 2014, Sanaa Seif, monteuse du documentaire nominé aux Oscars The Square, est également arrêtée et placée en détention provisoire. En Juin, son frère Alaa Abdel Fatah était pour sa part condamné par contumace à quinze années d'emprisonnement, sur la base de cette "violation du droit de manifestation".  Ahmed Seif leur père avocat et activiste de la défense des Droits de l'Homme, ancien prisonnier d'état ayant déjà subi les tortures de la police spécial est alors dans le coma et ils sont dans l'incapacité de le voir. Il meurt le 27 Août 2014. Dès le lendemain, Sanaa et son frère décident de commencer une grève de la faim. Quelques jours plus tard, leur mère Laila Soueif et sa fille Mona Seif se joignent à ce mouvement, en soutien aux activistes en détention.


Le 27 Octobre 2014, après plus de cent jours de détention provisoire et après soixante-et-un jours de grève de la faim, Sanaa Seif comparaît aux côtés d'une vingtaine d'autres accusés. La justice égyptienne la condamne, tout comme Yara Sallam, à trois années d'emprisonnement. Sur les réseaux sociaux, de nombreux égyptiens et sympathisants manifestent leur émotion et leur soutien, à commencer par les membres de l'équipe de The Square. Désormais, Laila Soueif et sa fille Mona poursuivent leur grève de la faim et choisissent de la durcir, s'imposant une restriction d'eau. (31/10 : Mona et Laila ont quitté la Cour Suprême devant laquelle elles faisaient sit-in. Elle consommeront de l'eau à nouveau, mais poursuivent leur grève de la faim) 

Sanaa Seif connaîtra le verdict relatif à l'appel de la première décision rendue le 28 Décembre 2014.
(30/12 : Sanaa Seif est condamnée en appel à deux ans de prison puis à deux ans sous surveillance.)

Pour en savoir plus sur la situation politique Egyptienne et par la même occasion, voir l'un des documentaires les plus importants du moment, plongez-vous dans The Square, disponible en version intégrale sur Dailymotion ; vous pouvez le visionner ci-dessous. (Attention : certaines images peuvent choquer / Arabe et Anglais sous-titré en Anglais).

EDIT : Sanaa a été libérée entre temps, puis de nouveau emprisonnée.


[LIVE] : Transfovista, le DVD live d'Envy

Envy, c'est une perle de la musique contemporaine. Un miracle de mutation. Partis d'un son très orienté punk-rock au début des années 90, ils sont devenus l'un des groupes de screamo les plus importants des années 2000. A force de perfectionnement, la pure colère a laissé place à l'introspection et la plénitude, pour un post-rock des plus fins. A tel point qu'aujourd'hui, le hurleur impressionnant que fut Tetsuya Fukagawa est désormais le chanteur du groupe Mono le temps de quatre concerts, et sans doute pour une partie de leur double-album qui sortira bientôt "The Last Dawn" & "Rays Of Darkness". Il y a quelques années, il apparut également sur le morceau "I Chose Horses" du fameux groupe écossais Mogwai. 


La discographie d'Envy est donc riche en atmosphères avec ses premières livraisons extrêmement brutales et ses derniers bijoux aériens saupoudrés de spoken words. La seule constante : une émotion puissamment cathartique, une maîtrise insolente des contrastes entre les calmes et les tempêtes. Au coeur de cette discographie, deux albums me paraissent être les meilleurs condensés d'Envy. All The Footprints You've Ever Left And The Fear Expecting Ahead, et A Dead Sinking Story. Je ne peux que vous inciter à les écouter (en cliquant sur les liens!). Transfovista permet de constater le chemin parcouru durant quinze ans, à l'appui d'images parfois issues de lives télévisés, ou parfois filmées au camescope lors de leurs premiers passages en France ou en Allemagne. L'engagement émotionnel des musiciens est également palpable, notamment lorsque l'un des guitaristes ne peut se retenir de faire tomber l'ampli sur lequel il joue en l'écrasant avec sa guitare à la fin de son set. Sur l'image suivante, le musicien qui le lui a prêté demande quelques explications. D'autres séquences soulignent la réceptivité du public. On voit par exemple cette jeune femme, veste sur l'épaule, en sueur et en soutient-gorge, totalement absorbée par la musique. Fukagawa hurle, s'égosille, danse autour de son micro, il titube en face d'une spectatrice passionnée (et passablement éméchée) qui en renverse sa bière au coup par coup, digne d'une parodie.

Envy - Transfovista (Sonzai Records)


  
Pourquoi le hurlement ?

Envy est un groupe originaire de Tokyo, et leur chanteur s'exprime donc en japonais. Ce groupe s'exportant de mieux en mieux, il n'oublie pas de fournir les traductions anglaises de leurs textes au sein des livrets de leurs albums. L'écriture de Tetsuya Fukagawa est semblable à celle de haïkus, les phrases d'apparence déconnectées se succédant pour décrire au mieux l'indicible. Le sentiment, l'instant, la nostalgie, la folie ou le calme ; à coup sur la vitalité. Mais à mon sens la langue japonaise et le fait même de ne pas "vouloir" comprendre permettent de renforcer cet aspect cathartique, car il est aisé de projeter sur les articulations du hurleur nos propres interprétations, nos propres pensées. (J'en ai même fait une farce). 

Et c'est une chose que j'aime souligner à propos de la violence. Pour beaucoup de gens qui m'en ont fait part, le metal et ses dérivés sont insupportables à cause d'une violence trop désagréable et de plus "On ne comprend rien à ce qu'il dit, il n'arrête pas de gueuler !". Mais il est bien dommage de ne se fier qu'à ses oreilles. Tout comme en peinture ou en théâtre vous iriez peut-être tolérer une composition hideuse au service d'un propos, ou une pièce de théâtre contemporain exprimant toute la folie de l'Homme, il est nécessaire de se poser la question des choix scéniques comme vocaux qui amènent certains interprètes à hurler. Envy tombe bien. Ce que dit Fukagawa, pour mieux comprendre cette problématique, disons qu'on s'en fiche. Plaquez sur ses hurlements vos sentiments du jour. Si la journée a été bonne, que tout va bien, et que c'est réjouissant, imaginez qu'il partage avec vous ce sentiment et le crie à la face du monde. Imaginez qu'il est amoureux. Personne ne doit s'entendre plus que lui. A l'inverse, si vous êtes au fond du trou, dépité, seul au monde, sa voix sera celle d'un homme face à la mer, jouant à faire plus de bruit que la fatalité elle-même. Imaginez qu'il appelle un disparu.

Dans certaines situations, on comprendra le refus d'en entendre plus. Si vous n'êtes pas tombé sur des artistes assez complexes, que vos amis vous ont amené au concert du coin durant lequel la sono était de piètre qualité, que tout le monde était plus à son aise que vous, ou simplement que vous étiez à un mauvais concert, ne vous faites pas une idée définitive de ces groupes dans lesquels ça hurle. Ils ne sont pas tous du même acabit, et la différence entre ce qu'offre un concert et ce qu'offre un album sorti d'un studio peut être gigantesque. Ne dites pas "Je n'aime pas quand ça gueule" simplement parce que ça gueule. Parfois, les interprètes de ces groupes disent des choses, dressent des constats, partagent des sentiments qui ne s'expriment pas dans la retenue. Et à de très rares occasions, les hurlements se trouvent pris dans un ensemble cohérent qui n'est pas adressé aux seuls amateurs d'un genre musical en particulier. A trois reprises j'ai eu le privilège de voir ce groupe se produire sur scène. A chaque fois sans nul doute, j'en ai difficilement retenu mes larmes, absorbé par la puissance et la beauté de cette musique. Ce n'est pas sa violence intrinsèque qui me touche, mais l'humanité profonde qui se dégage de ces arrangements, cet écho universel. La musique se vend, se consomme, mais elle s'étudie aussi. La musique fait partie des arts.

Voici donc ma suggestion du jour afin de vous inciter à laisser une chance aux cris. Ceux de Tetsuya Fukagawa, magnifiquement accompagnés par un groupe d'une finesse unique, vous donneront un accès direct à vos tripes. Une personne qui n'aime pas du tout la musique metal/hardcore/post-hardcore à cause de cet à priori sur les cris m'a dit à l'écoute des deux albums phares cités plus haut : "La vache...C'est prenant, c'est même touchant, on dirait vraiment qu'il souffre ce mec, j'ai mal pour lui". A cet instant, j'étais heureux d'avoir glissé la galette dans l'auto-radio, et nous avons tout écouté en silence, poussés à l'introspection et ce malgré la barrière de la langue.


L'exemple en français : Daitro

"Nous sommes d'ici" de Daitro, groupe français de post-hardcore/screamo ainsi que les paroles afin de mieux comprendre en quoi les cris sont justifiés (excellent groupe à découvrir également)


S'empiffrer de carcasses encrassées dans nos palabres la messe est dite 
Car nous sommes de ceux qui décident et de ceux qui dictent.
Nous sommes d'ici et tous réunis dans la grande messe de l'horreur moderne, 
Venus pour tout avaler et pour ne rien laisser.
Quitte à tout prendre, autant s'en empiffrer les premiers.
Blessés, touchés, poussés par l'ampleur 
De ceux qui décident et de ceux qui dictent, il y a de quoi admirer.
Nous sommes si fiers de nous, nous sommes des leur(re)s.


Les voici jouant ce morceau...au Japon !

+ Envy : A Breath Clad in Happiness de l'album Recitation 

(Les paroles en anglais sont dans la description de la vidéo)

[Humour] : Vinza démonte Cahuzac, ou l'illustration parfaite de l'importance du montage !

Il y a déjà plusieurs mois, j'avais présenté aux lecteurs de La Fée Verte - Gazette des étudiants de l'UFR des Arts d'Amiens le travail impressionnant et excessivement drôle de Vincent Ansieau dit VinzA. Pour découvrir cet ancien article, cliquez sur le lien ci-dessus. Et pour le reste, savourez cette petite perle de montage, qui démontre de façon nette l'importance de cette discipline.



[Interpréter dans un contexte] : Le clip de campagne de François Hollande

Aujourd'hui, petite "redécouverte" du clip officiel de François Hollande durant sa campagne pour la présidentielle de 2012. Je vous propose de visionner ce clip avec une nouvelle attention, proche de celle dont doit témoigner celui qui analyserait un film, qui devrait tirer de ce clip les intentions, les axes narratifs, les choix opérés, en bref, le sens.  Bien sur, l'actualité fournit un contexte propice à ce flashback. La campagne politique ayant pour principe de tracer de grandes lignes pour l'avenir, et le clip de campagne étant l'outil de communication le plus emblématique, revoyons-le.


Après sa défaite aux primaires du Parti Socialiste, obtenant 5,63% des suffrages et terminant avant-dernier juste devant Jean-Michel Baylet, Manuel Valls devient directeur de la communication de la campagne de François Hollande. On peut donc en déduire que ce clip de campagne a obtenu la validation commune de François Hollande et de son actuel Premier Ministre, qui secoue la classe politique en parlant d'en finir avec une gauche passéiste. Revoir ce clip de campagne dans ce contexte est particulièrement intéressant. Vous allez comprendre pourquoi.




Découpez ce clip en parties, et attribuez-leur des titres, puis des caractéristiques.
Listez les choix de montage, de musique, l'utilisation du son, si les images sont en couleurs ou non, si le rythme est constant ou non ; décrivez la première séquence, et décrivez la dernière. Ici, en gros, vous devriez théoriquement identifier deux grandes parties, et donc constater que ce clip est construit sur l'idée de deux parties bien distinctes.


A vous de voir
 en ce qui concerne l'interprétation du changement...