Le sixième album d'Envy est sorti le 13 Mai dernier. Disponible sur le site du label Temporary Residence Limited, il dure quarante-trois minutes et compte huit morceaux, c'est donc l'album le plus court d'Envy. Après avoir fêté vingt-ans de carrière en 2013 avec la sortie de la discographie complète Invariable Will, Recurring Ebbs and Flows (95 morceaux sur 14 vinyles, accompagnés d'un dvd live d'une heure vingt) ils écrivent une page de plus avec Atheist's Cornea.
Court il l'est effectivement, mais pour ma part avec Envy, que l'album/ep/dvd dure une heure ou deux il y a toujours un immense vide qui s'installe après l'écoute de chaque enregistrement*, en particulier quand le groupe sort un album dans la veine de A dead sinking story et qu'il pousse au maximum la dynamique entre la violence et la mélancolie. C'est un sentiment très présent sur Atheist's Cornea car la plupart des morceaux reprennent des mélodies ou des éléments apparus tout au long de leur carrière à des moments différents et les compilent, "réactivent" la touche Envy et à mon sens poussent à repenser au passé de leur son, donc un peu au passé tout court.
Puisque ce groupe entame une nouvelle ère de son existence et qu'il lui fallait trouver une nouvelle énergie, le paradoxe tout naturel est donc que ça sonne tout de même comme une mutation achevée, retrouver les sentiments d'écoutes vieilles de dix ans tout en constatant les apports subtils qui ont fait grandir Envy ; "c'est la même chose mais c'est pas pareil".
C'est bien Tetsuya Fukagawa mais il utilise désormais abondamment sa voix claire et renforce la douceur des accalmies légendaires qui succèdent généralement à ses cris déchirants. Ses claviers/ambiances sont plus présents également. Dans une interview récente publiée par le Japan Times il expliquait qu'avant de faire cet album il avait traversé des moments de doute quant à son envie de poursuivre cette histoire avec Envy. Il confie que le soutien de ses musiciens, une famille de vingt-ans, lui a permis de retrouver son énergie créatrice. Ses différentes collaborations avec d'autres artistes ont sans doute permis à ses intentions d'évoluer également vers de nouvelles sonorités, ce qui se ressent beaucoup sur cet album.
A l'écoute de Ticking Time and String, on pense à son expérience avec Mono (il apparaît au chant sur leur morceau The Hand that Holds the Truth) autre légende du post-rock japonais qui a rapproché guitares et violons, un élément qui rénove le son d'Envy sur Atheist's Cornea. Avec le chant, il renforce également le sentiment de mélancolie et de douceur. De fait, tous ces éléments font qu'Envy poursuit son évolution et franchit des caps. Il est loin le temps où Tetsuya Fukagawa et sa bande déguisaient l'émotion dans une pure vague d'agressivité. La poésie caractérise bien plus Envy depuis quelques années, et l'album Recitation (2010) qui relevait l'importance du texte et du sens tout en écartant pas mal a violence pure et les hurlements. Du punk-hardcore de leurs débuts à leur signature sur le label de Mogwai, Rock Action Records, ils n'ont jamais cessé de produire le son d'une mixture d'intentions, un contraste émotionnel de plus en plus affiné. Atheist's Cornea a donc le mérite d'approfondir encore les dynamiques en réintégrant des murs de son à la plupart des morceaux, tout en ne reniant pas cette nouvelle orientation "orchestrale".
Sorti depuis quelques jours il est pour l'instant introuvable ailleurs que sur le site du label, et les versions vinyles commandées ne seront pas livrées tout de suite, vraisemblablement les commandes seront honorées à la mi-juin. Il est disponible en téléchargement légal à 7.92$ sur Itunes et devrait apparaître au format CD d'ici quelques semaines sur les boutiques spécialisées hébergées par Fnac et associés.
* Je conseille fortement à ceux qui découvriraient Envy de tenter l'écoute d'un album entier en une seule fois sans rien faire de particulier à côté et si possible au casque ou avec un bon système de son