[Musique] : COMA IV

J'ai le plaisir d'être batteur au sein du groupe amiénois COMA IV. Il propose un son thrash death très énergique particulièrement taillé pour le live. Actuellement nous nous préparons à un changement relativement inédit puisque je vais bientôt laisser ma place à un nouveau batteur afin de retrouver une vraie mobilité en tant que guitariste. J'ai la fâcheuse tendance à vouloir sauter partout (preuve en image), ce qui n'est pas très pratique.

Notre prochain concert aura lieu au Grand Wazoo dans le courant du mois de Septembre avec les groupes Litige et Dark Wish.
Coup de pub à mes camarades de COMA IV donc avec cette vidéo de "Pandemonium" lors de notre concert au Sombrero Café d'Amiens le 23 Août 2014 en compagnie de The Freedom of Speech et Sadraen. Pour plus d'infos quant aux prochains concerts et aux actualités du groupe, ou bien pour admirer les impressionnantes photos de mon corps de moustique-batteur couvert de sueur, retrouvez nous sur les réseaux habituels, Facebook, Youtube etc...



+ "Cracked Brain" Live

https://www.facebook.com/COMAIV?fref=ts

[Découverte] : "Le long de ses jambes nues" de Jonathan Lamour (2013)

Dans un monde futuriste, Olivier un séducteur né, est tiraillé entre son amour pour Catherine et ses pulsions. Il confie sa détresse à une jeune femme lors d'un étrange entretien filmé.


"Le long de ses jambes nues" est le deuxième film réalisé par Jonathan Lamour, étudiant de l'UFR des Arts d'Amiens. Avec ce film, Jonathan a trouvé son style, son rythme, sa pâte...et de merveilleux acteurs. Ce qui importe, les jeux de regards, les rapports humains entre personnages humains. Sorti en 2013, il précède "La Parenthèse" (2014), actuellement présenté en festivals et autres projections-événements.
 

 



F.Boss et J.Lamour présentent "Le long de ses jambes nues"
au Festival
Crossing Europe de Linz  (Mai 2014)
Tournage de La Parenthèse (2014)

[Découverte] : "Leuwarou" de Leu-Wenn Delabie (2014)

C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai pu participer au tournage du premier court-métrage de Leu-Wenn Delabie, Leuwarou en tant que preneur de son. Dans ce film un jeune informaticien au caractère plutôt réservé quitte Paris pour venir à la rencontre de son oncle exploitant agricole le temps d'une semaine dépaysante. Au cours d'une promenade, il découvre le cadavre d'une vache éventrée...

Une version définitive du montage a pu être montrée aux membres de l'équipe de tournage, révélant un film à l'atmosphère fantastique particulièrement réussie. Retrouvez bientôt plus de précisions quant à sa sortie.


https://www.facebook.com/leuwarou?fref=ts
  
Le titre, Leuwarou, est la traduction Picarde du terme "loup garou" qui est d'ailleurs plus proche de l'anglais "Werewolf" ou de l'allemand "Werwolf" que du français.



Leu-Wenn et ses acteurs Pierre-Antoine Deborde et Jean-Claude Tisserand
L'équipe de tournage, camarades de l'UFR des Arts d'Amiens

POUR EN SAVOIR +

[Découverte] : "Coffee Girl" de Bintang Adi Pradana

Coffee Girl est un court film d'animation réalisé par Bintang Adi Pradana, étudiant à l'UFR des Arts d'Amiens. Il fut diffusé dans le cadre du festival étudiant "Gobe Ta Péloche #2" organisé par Kino Paint Art et  reçut un accueil très chaleureux de la part du public. 
 


Chaîne Youtube de Bintang Adi Pradana !
+ d'infos sur le "Gobe Ta Péloche" et d'autres films d'étudiants sur Kino Paint Art !

[Photo] : Out of the blue


http://acolyteprod.deviantart.com/art/Out-Of-The-Blue-475802632

[Documentaire] : 3 shots that changed America de Nicole Rittenmeyer et Seth Skundrick

En 2008, la chaîne américaine The History Channel avait produit un documentaire réalisé par Nicole Rittenmeyer et Seth Skundrick, qui faisait revivre au spectateur la journée du 11 Septembre 2001 minute par minute, en usant d'images tournées par des amateurs ou en compilant les extraits de directs télévisés.

A l'aide d'un découpage judicieux d'un mixage sonore cohérent et surtout d'une solide base d'archive footage, les éditeurs de ce documentaire étaient parvenus à recréer un temps réel virtuel, exploré grâce à de multiples points de vue. "102 minutes that changed America" (traduit qui ont changé [le monde]) remporta quatre Emmy Awards en 2009 et fut largement distribué hors des Etats-Unis. France 3 le diffusa même la semaine précédant cette pluie de récompenses.

Un an plus tard, le duo collabore de nouveau pour The History Channel en propulsant le spectateur dans une véritable machine à voyager dans le temps faite de caméras et de micros. De ce 22 Novembre 1963, on retenait jusqu'ici le film d'Abraham Zapruder, régulièrement qualifié de film amateur le plus célèbre de tous les temps ou bien les annonces émouvantes de Walter Cronkite , la première interruption des programmes, quelques moments bien connus. Plus de cinquante ans après "3 shots that changed America" va bien plus loin...dans le passé !

Comme pour le 9/11, Rittenmeyer et Skundrick créent l'immersion, ils dépassent le off et offrent au spectateur le pouvoir de ressentir la tension ambiante depuis de multiples points de vue. Dans leur découpage ils laissent s'exprimer les doutes de tous les intervenants, qui transparaissent dans des mouvements de caméra approximatifs, des bruits de frottements de micros involontaires tandis que la mise au point est faite difficilement. Du petit matin à la tombée de la nuit, de la chaîne locale au témoin de CBS, ou depuis l'intérieur même du Texas Theater ou s'est réfugié Lee Harvey Oswald, les images inédites remarquablement restaurées ne cessent de suprendre.


Par moment, les multiples angles sur la même conférence de presse ou le même micro-événement comme l'assassinat d'Oswald donnent l'impression d'un film totalement mis en scène, car ils soulignent tout ; jusqu'à la configuration des lieux, la façon dont la police monte la garde, emmène Oswald récalcitrant vers sa propre mort, montre le fusil à des reporters qui ont beaucoup de mal à suivre... Certains plans issus de ces found footage sont exploités à merveille dans ce découpage.

Ces trois heures de film sont découpées en deux parties d'une heure trente. La première documente le temps réel depuis le matin du 22 Novembre jusqu'à la mort de Oswald. La seconde partie quant à elle présente ce que les médias ont restitué des mouvements conspirationnistes et de la bataille de Jim Garrison contre la Commission Warren qui enquêta sur l'assassinat en établissant la théorie de la Magic Bullet. Elle fut sévèrement critiquée, et d'autres commissions furent établies jusqu'en 1976. L'assassinat de Robert Kennedy est également évoqué, montré. Des extraits de shows télévisés et de micro-trottoirs sont ponctués de coupures au noir régulières qui tiennent en haleine.

Seule la musique est ajoutée à ce long découpage. Très minimaliste, elle permet de souligner les images les plus emblématiques de ce drame historique. Dans toute la première partie, les voix sont celles de réels et parfaits commentateurs au coeur d'un événement. Aucune opinion, aucun supposition dans les retranscriptions de ces journalistes qui semblent ne s'adresser qu'à des non-voyants. Puis vient le temps des questions, tout bascule. La seconde partie elle aussi utilise les voix tirées des archives uniquement, et le journalisme n'est plus le même face à un événement vieux de vingt, trente ou quarante ans.

La caméra tourne personne ne le sait.
(Travelling arrière au commissariat)
Petit à petit la fourchette temporelle s'étire et bien vite les extraits sont en couleur, les conspirationnistes et leurs thèses ont évolué. Des touristes dans un bus écoutent un guide leur expliquer l'histoire de 22 Novembre en faisant le tour de Dealey Plaza, avant sans doute de visiter le Sixth Floor Museum du Texas Book Depository... Zapruder témoigne des années plus tard et se repositionne sur son petit piédestal avec sa caméra à la main.

Par ailleurs cet assassinat n'a pas fini d'inspirer de nouveaux films ou de nouveaux livres dans les prochaines années. Depuis JFK de Oliver Stone qui avait emmené son film au Congrès, le 1992 JFK Records Act* garantit la déclassification de tous les documents liés à l'assassinat de Kennedy avant Octobre 2017. En 2013, 5 millions de pages ont été officiellement publiées mais la CIA est suspectée de faire de la rétention d'informations sur plus de 1.000 documents encore top secret. Ils seront donc normalement accessibles au public d'ici trois ans.

Un film extrêmement intéressant à plus d'un titre et la seule sensation de vivre ces événements en temps réel ne peut laisser indifférent. Quant au contrat que suppose un film qui explique ou qui présente l'Histoire, The History Channel et ses réalisateurs talentueux le remplissent allègrement, la faisant littéralement parler.

Ci-dessous le film complet en version originale
+ de docus sur cette playlist Youtube



* JFK Records Act : An Act to provide for the expeditious disclosure of records relevant to the assassination of President John F. Kennedy.

Etrange : Video-bombing dans les années 60.
> Des mains s'agitent au second plan / Un homme saute au premier plan ! Une perle !







 

[Flashback] : Gobe ta péloche, le festival étudiant de l'UFR des Arts d'Amiens !


Le Vendredi 23 Mai dernier, le festival du court-métrage des étudiants de l’UFR des Arts d’Amiens proposé par KinoPaintArt, le Gobe Ta Péloche #2 ainsi qu’une exposition d’une semaine Paye Ta Gouache ont permis à tous les visiteurs du jour de venir découvrir les productions personnelles d’étudiants talentueux. A l’issue de cette belle journée, trois prix ont été remis.  Au début de la prochaine année universitaire, la gazette étudiante "La Fée Verte" initiée par KPA reviendra  sur cet événement dans sa globalité ainsi qu’en offrant une place de choix à chacun des vainqueurs.

 
GOBE TA PELOCHE #2
Jury : Marie Vernalde, réalisatrice et actrice 
Claire Kanny, scénariste et ancienne étudiante de l’UFR des Arts d'Amiens


PRIX DU JURY
"Dernier Refuge" de Emeline Trepagne et Alexandre Hermant


PRIX DU PUBLIC
"Not Found Yet" de Marie-Lys Polchlopek



PAYE TA GOUACHE #1
Exposition et vote du 19 au 23 Mai

OEUVRE RECOMPENSEE PAR LES VISITEURS
"Trois grâces + 1" de Marie-Océane Gambu
 

KINO PAINT ART REMERCIE
Jeremy Michel (Tata Jacqueline), Lucie Houlbrèque, Etienne Meunier, Quentin Loiseleux et Clotilde Lebourg-Potentier nos maîtres de cérémonie, l’Association A.L.E.A ainsi que tous ses membres, tous les surveillants successifs de la salle 002, les étudiants qui ont donné un coup de main précieux, Christine Grimal, Arnaud et Alain qui ont consenti à rentrer chez eux plus tard, Caroline Zéau, et tous ceux qu’on oublie de citer mais qui ont contribué à cet événement.

L’EQUIPE ORGANISATRICE DU GTP#2
Marie-Charlotte Tardy-Lopez / Pauline Normand / Alexandre Monbailly 

RETROUVEZ LES PHOTOS DE l'EVENEMENT PAR MATHILDE LAURENCE
AINSI QUE CERTAINS DES FILMS PROJETES VIA LE BLOG > KINO PAINT ART !

RENDEZ-VOUS AU GTP#3 !

Des documentaires à découvrir via Youtube !

Une foule de documentaires à découvrir via cette Playlist !

▲ATTENTION : Un grand nombre de ces films traitent de sujets violents de façon frontale. En particulier To Shoot An Elephant, The Killing Of America et le Uncut Chronicles de Russia Today ▲


Cultes / Classiques
Nanook of the North (1922)
The plow that broke the plains (1937)
Chronique d'un été (1961)
Vive la France (1974)
The Killing Of America (1982)
Paris is burning (1990)
Pas vu pas pris (1998)
The thin blue line (1988)
America : Freedom to fascism (2006)
Into eternity (2010) (présenté ici même)



Société / Politique / Guerres / Histoire récente
Jesus Camp
Tous au Larzac
La bataille de Tchernobyl
Control Room (par la réalisatrice de The Square)
To shoot an elephant (Gaza durant Plomb Durci /violent!)
Votez pour eux, municipale à Hérépian
Sego et Sarko sont dans un bateau
Juppé, forcément 
Dans la peau de Vladimir Poutine
Inside Job
Itchkeri Kenti : les fils de l'Itchkérie 
Le jeu de la mort
The elephant in the room
 9/11 Press for truth
Guerre mensonge et vidéo
TPB AFK (The Pirate Bay AFK)
Wikileaks : Secrets et mensonges

War Photographer
En semi-liberté (Reportage)
Le procès de Nuremberg
JFK : 3 shots that changed America
Hollywood & The Pentagon : A dangerous liaison
Uncut Chronicles : Gaza-Israel War Deadly July 2014
(Russia Today)







[Analyse] : After Life de Hirokazu Koreeda

Hirokazu Koreeda est né à Tokyo en 1962. Son approche de la fiction tout à fait particulière lui vaut d'être reconnu internationalement comme l'un des cinéastes japonais les plus talentueux actuellement. En effet l'esthétique de ses films aussi bien que leurs méthodes de fabrications renvoient profondément à l'idée de cinéma documentaire. Les films qu'il créé proposent sa propre vision du monde et des rapports entre personnages très simples et aux vies sans événements majeurs. Egalement documentariste, il bâtit ses fictions en retravaillant perpétuellement le scénario ainsi que le découpage, en collaboration avec ses acteurs, leurs idées, ou même leurs souvenirs.

Il ne s'abstient pour autant pas de créer des films éloignés de tout réel, pour préférer des univers oniriques ou des intrigues insensées. Dans Air Doll (2009) par exemple, il adapte un manga de Yoshiie Goda, et met à l'image l'histoire d'une poupée gonflable qui se réveille dotée d'une âme. Néanmoins ses films les plus salués, notamment par la France et Cannes, sont ceux qui proposent des esthétiques typiquement documentaires, et sans excès loufoques ; tels que Nobody Knows (Prix d'interprétation masculine à Cannes en 2004 pour son acteur de 9 ans) et Tel père tel fils (Prix du Jury à Cannes en 2013).

Dans Nobody Knows, Koreeda exploite un fait divers. Après avoir lu l'histoire d'enfants abandonnés dans un appartement en plein Tokyo durant des mois, il se décide à imaginer comment la survie s'est organisée. Il invente alors un background assez sommaire à cette histoire, installant une mère frivole incapable d'assumer ses enfants malgré une tendresse sincère et un fils aîné de neuf ans qui petit à petit passe du rôle de frère protecteur à celui d'un enfant qui aimerait pouvoir vivre sa vie d'écolier, de camarade, de petit rêveur.

Dans Tel père tel fils, il imagine qu'une famille tokyoïte huppée s'aperçoit des années plus tard que leur bébé a été échangé à la naissance. Les enfants découvrent donc leurs vrais parents. Koreeda peut alors donner un peu de lui en traitant du sujet de la paternité en s'inspirant de sa propre enfance, des manquements de son propre père et du père qu'il souhaiterait être pour ses propres enfants. Si l'esthétique de ce film se veut plus stable et artificielle, l'intrigue qui traite de questionnements sociaux ainsi que d'un point de vue personnel sur la paternité inscrivent ce film dans la lignée directe de Nobody Knows. Il s'agit tout autant de proposer un point de vue sur l'humain, les rapports familiaux ou la question de la pauvreté, des phénomènes du réel qui semblent avoir touché personnellement ce cinéaste.

Afer Life réalisé bien avant en 1998 est également bien accueilli en France, et bénéficie d'une sortie dvd en version originale sous-titrée dès Novembre 1999. Très tôt, Hirokazu Koreeda marque l'empreinte d'un cinéaste singulier avec ce drame fantastique parsemés d'élément documentaires, dans l'esthétique proposée, comme dans les secrets de fabrication.






Dans After Life nous découvrons un lieu étrange dans lequel une petite équipe de personnages dévoués reçoit une vingtaine de nouvelles personnes décédées il y a peu. Travaillant dans les limbes imaginées par Koreeda, ils ont un sept jours pour faire choisir à ces personnes le souvenir qu'ils aimeraient revivre pour l'éternité. Ils les reçoivent en entretiens, leur fournissent des archives vidéos de leurs vies, créent un dépouillement du détail de ces moments et dialoguent longuement de façon intimiste avec ces inconnus qui se doivent de faire un choix de mémoire.

En fin de semaine, ils tournent le film de ce souvenir en studio de cinéma rudimentaire, avec beaucoup d'astuce. Le caractère ludique de ces séquences magnifie le cinéma un peu à la manière d'un Michel Gondry construisant des décors en carton pâte. Découvrant avec quoi les employés des limbes recréent sa propre mémoire, un mort semble d'abord peu convaincu face à la mise en scène de son vol en petit avion de tourisme. Et pourtant plus tard, devant quelques nuages de coton, une carcasse de Cessna et un ventilateur, il est totalement subjugué.

Au dernier jour les morts sur le départ découvrent le film dans une salle de projection, quand la lumière de la salle se rallume, ils ont disparu. Comme pour Air Doll Koreeda se permet une intrigue très décalée et fantastique qui ne peut être que fictive. Mais néanmoins, il invente des personnages de cinéastes qui ont une démarche elle-même faite d'un mélange de fiction et de documentaire. Les personnels des limbes font des recherches sur les morts qui viennent d'arriver puis tournent une reconstitution sur la base de leurs souvenirs réels.

La crédibilité de son univers tient beaucoup à l'esthétique documentaire de la caméra à l'épaule qui virevolte entre les acteurs donnant des airs de making-of, mais aussi à l'interprétation de ces derniers qui construisent leur propre background à l'aide de leurs seuls souvenirs. Les personnages sont dépourvus d'une histoire personnelle poussée, ce qui provoque ce sentiment d'intrusion dans un réel, ils ne semblent pas écrits pour servir une histoire mais pour mener leur propre existence. Du moins jusqu'au troisième quart du film vers lequel une intrigue plus précise se dessine entre Mochizuki et l'un des morts dont il doit s'occuper, Ichiro Watanabe. Ce dernier ne parvient pas à choisir de souvenir assez plaisant avec sa femme car revoyant les archives de sa vie passée, il se rend compte de la platitude de celle-ci.

Assis à ses côtés face aux images vidéo, Mochizuki reconnaît la femme de Ichiro, avec laquelle il a lui même eu une liaison durant la guerre. Nous comprenons alors à l'approche de la fin que Mochizuki et ses collègues sont des morts qui n'ont pas su/voulu choisir et qui se retrouvent donc à administrer les limbes jusqu'au jour où ils seront capables de faire ce choix.

Durant ces séquences la puissance du Koreeda dramaturge reprend le dessus et l'aspect documentaire se fait oublier, comme dans les séquences qui laissent entrevoir l'amour que pourrait porter Shiori, collègue des limbes peu confiante, à Mochizuki. Dans ces moments les cadres sont fixes et les raccords regard nombreux. Tout ce qui touche aux relations entre ces deux personnages permet un retour à une esthétique de fiction et à un découpage plus cut de plans courts, à une fluidité du montage. La présence de la caméra est moins perceptible dans ces séquences, ce qui tranche ostensiblement avec les choix de mise en scène que je vais détailler en prenant l'exemple de la première séquence du film.

Premier plan
Dès le premier plan la présence de la caméra est soulignée et l'idée que nous nous introduisons dans le quotidien de personnages réels est manifeste. La caméra est portée, et l'angle choisi pour filmer ces deux hommes grimpant les escaliers semble choisi par défaut. Comme si Koreeda était venu faire un documentaire sur les limbes en commençant par suivre deux administrateurs en route vers leur première réunion de la semaine, sans savoir par avance dans quelle salle de l'immense bâtiment ils se rendent. Il sont donc suivis par la caméra, qui peine par instants à suivre leur démarche et à garder ces pieds dans le cadre.

« Et ce vieux Mr. Yamada (…) il n'a que des histoires de fesses ! »
La première phrase du film témoigne du fait que nous prenons une conversation en cours, que nous nous introduisons dans un dialogue qui avait sa propre vie. Koreeda ne pousse pas le vice en faisant ses acteurs regarder la caméra, ce ne sont pas eux qui s'adaptent à sa présence mais bien l'inverse. Cela coïncide plutôt bien avec l'idée que les acteurs font perpétuellement évoluer le scénario et les dialogues, Koreeda s'adaptant à leurs idées, souhaitant autant d'imprévus que possible afin de ne pas s'enferrer dans un découpage prédéfini.

Début du second plan, les acteurs dépassent la caméra en terminant leur dialogue
Le plan suivant est un plan séquence à l'épaule, très instable et mobile. Il commence d'abord par un travelling arrière sur les deux hommes qui discutent, puis qui dépassent la caméra pour entrer dans la salle de réunion. La caméra se met alors à virevolter entre les personnages tous affairés et l'impression de capter un réel est très forte. Chacun vit sa vie, les dialogues ne semblent pas écrits non plus, si ce n'est pour le patron des lieux qui vient donner ses instructions pour la semaine. Shiori est néanmoins caractérisée grâce au peu d'espace que lui accorde le cadre et son silence total. 

Shiori balayant au dernier plan, masquée par Mochizuki
Le chef d'équipe vient donner ses instructions
Les morts font leur entrée
 Dès la séquence suivante, l'aspect fantastique se révèle au spectateur, et la construction du cadre semble dire beaucoup de choses sur la démarche même du film de Koreeda et sur le destin de ses personnages. Les morts récents arrivent en sortant d'une brume épaisse pour se présenter à l'accueil. Il donnent leur noms puis passent une porte entre deux rangées de carreaux qui rappellent étrangement la forme d'une pellicule. Ils entrent pleinement dans le film. Le cadre est alors fixe, le son d'un clocher renforce l'impression fantastique, ainsi que le défilement trop régulier de ces personnages.

Les entretiens individuels vont commencer
Deux plans plus tard, ces personnes sont rassemblées dans une salle d'attente et discutent ensemble. La caméra semble capter un moment de détente des acteurs, pas du tout un plan millimétré. Ils discutent ensemble et échangent déjà des souvenirs réels d'acteurs non-professionnels. Encore une fois, toute la démarche du film est présente dans les premiers plans. 
 
SOUVENIRS REELS ET MISE EN ABIME

Koreeda filme les entretiens de ces personnages à la façon d'un documentaire. Depuis le point de vue des employés des limbes, en plan fixe, axé sur l'autre côté du bureau, vers les morts qui témoignent de leur vie. Bien entendu, Koreeda a tout de même construit une intrigue qui nécessite que les souvenirs choisis finalement soient prévus, mais il demande tout de même à ses acteurs non professionnels de partager avec la caméra de vrais instants de vécu. Un jeune homme raconte à quel point il aimait le son de clochettes des chaussures d'une fille dont il était amoureux, quand il l'entendait au loin, il savait qu'elle arrivait et se disait « Chic, la voilà ». Une femme âgée raconte comment se déroulaient les fêtes de village de son enfance. Un homme se rappelle de la sensation de douce chaleur qu'il ressentait face à la fenêtre ouverte du conducteur de tramway. Un autre ancien raconte pour sa part ses souvenirs de guerre...

Les acteurs non professionnels sont les vrais personnages
« La moitié des acteurs ont été recrutés sur audition. Ils racontent donc leurs propres souvenirs. L’un d’entre eux a parlé plus d’une heure. Dans la première partie, ils racontent leurs souvenirs, dans la seconde, j’ai essayé de prolonger. » (Entretien pour Panorama-Cinéma.com)

Plus tard les personnages font face pour certains à leurs archives de vie, sous forme de cassettes vidéo. Ici, Ichiro Watanabe incapable de se souvenir d'un instant agréable de sa vie est surpris par l'idée même de revoir sa vie sur soixante et onze cassettes.

"Des vidéos ?"
Une fois le choix du souvenir fait, les morts sont emmenés sur des lieux qui pourraient servir de décor afin que l'équipe des limbes sache comment les reconstituer. Puis les studios sont mis en place, et les décors prennent vie. 

Reconstitution d'un vol en avion de tourisme dans les studios des limbes
Un mort explique à l'équipe comment recréer son souvenir
D'abord réticent, cet homme est bluffé par la mise en scène de son souvenir
Cette femme apprend une danse traditionnelle à la jeune fille qui jouera son rôle
Projection des souvenirs ; le moment du passage vers l'au-delà
Dans son intrigue, Koreeda créé un personnage important, Mochizuki. Celui-ci n'a pas su choisir le souvenir à emporter pour toujours. Mais en fin de film, il dit avoir trouvé. Il demande alors à ses collègues de le reconstituer afin qu'il puisse gagner l'au-delà, ce qui attriste Shiori. Mais son souvenir est étrange. Il veut être filmé faisant un regard caméra. La question de la responsabilité parcourt toute la filmographie de Koreeda. Ainsi à cet instant, Mochizuki semble assumer le fait d'avoir couché avec la femme de Ichiro Watanabe en se confrontant à lui-même.

Cependant cette séquence est un casse-tête. Nous assistons à la projection de ce souvenir qui semble tenir en deux plans. Mais le deuxième est-il vraiment compris dans ce souvenir ?

Souvenir de Mochizuki (champ)
Souvenir de Mochizuki (contrechamp)
 A l'issue de cette projection, Mochizuki a disparu de la salle quand la lumière se rallume. Shiori semble triste, et dès le début de la semaine suivante, elle se retrouve à la place de Mochizuki dans une réinterprétation du travelling du début du film (dialogue et dépassement de la caméra par les acteurs).

Une énorme mise en abîme se dévoile également. Durant tout le film, quelques courtes séquences sont consacrées à une lucarne à travers laquelle Mochizuki et Shiori regardent la lune à plusieurs reprises.


Première image de la lucarne vue de jour
Shiori entame une nouvelle semaine quand elle voit la lune en plein jour
Le gardien enlève le cache, la voit et la salue
Ce film est donc une fiction semblable à un jeu, un puzzle qui fonctionne sur l'ambivalence fiction/documentaire ou fiction/réel. Il traduit une pensée sur la mémoire, les souvenirs et le cinéma. Koreeda montre vraiment toute l'étendue de sa singularité en maîtrisant parfaitement cette balance délicate entre deux genres constitutifs, le documentaire et le cinéma fantastique qui par essence questionne la vie après la mort, l'immortalité sur pellicule.

Comme une suite de mises en abîme, il dispose de nombreux niveaux de lecture. Le spectateur lui-même est mis dans la position des pensionnaires qui subissent la découverte d'effets rudimentaires censés recréer une réalité vraisemblable. Et comme ces pensionnaires, il est dupe, ce que souligne la séquence du gardien et sa lune.

Ce film très particulier parle de cinéma et donne beaucoup à comprendre de l'esprit de Koreeda. Il permet également, comme l'aurait fait un documentaire, de présenter des profils très différents de membres de la société japonaise. Certains sont âgés et mutiques, d'autres beaucoup plus souriants, ou encore révoltés contre l'idée de devoir choisir un souvenir et un seul.

Koreeda souhaitait que le film se construise grâce à l'interprétation de ses acteurs non-professionnels et leurs souvenirs réels. Le processus de création de ce film est intégralement construit sur l'ambivalence fiction-documentaire, et le rend unique, surprenant, il pousse au questionnement existentiel, tout comme au questionnement de pur cinéma.

« Une partie du scénario est écrite avant le casting, mais sa structure est valeur à changement. L’histoire évolue en fonction de mes rencontres avec les acteurs et actrices. Pendant le casting, après, mais aussi pendant le tournage. Mes idées évoluent à mesure que le film prend forme et bien souvent, c’est la combinaison de mes idées et de celles des comédiens qui donne à l’histoire et au film leurs formes définitives. »


« Dans les films de Naruse, il n’y a pas de présence divine. [rires] C’est ce que j’aime. On n’est pas jugé. Il n’y a aucune volonté d’action, c’est ce qui me plaît.


Panorama-cinéma : Est-ce lié à une valeur documentaire, un rapport d’authenticité entre le sujet et le réel?


C’est exactement ça. Il me semble qu’il n’y a pas de fausseté, que chaque chose est emprunte du réel : « l’homme est ainsi ».





Références :
Entrevue avec Elodie François pour Panorama-Cinéma.com
http://www.panorama-cinema.com/V2/article.php?categorie=1&id=178
Ciné Club « L'île verte »