Fritz Le Chat de Ralph Bakshi (1972)

 « We're not rated X for nothin',baby ! »

Fritz est fâché, outré, il ne supporte plus son train de vie monotone ainsi que celui de ses amis étudiants, perdus entre leurs montagnes de livres et leurs cures de vitamines. Depuis toujours, il rêve d'aventure et d'évasion, d'une vie de bohème, il aimerait parcourir le monde entier afin de voir toutes les choses qu'il a à offrir plutôt que de continuer à faire confiance aux intellectuels pour les comprendre. Ses recueils de sociologie, il les met au feu, ses études, il les abandonne et préfère devenir un électron libre, laissant le hasard et la flânerie le porter dans le New-York des années soixante-dix au gré de rencontres surprenantes.

Originalement, Fritz est le premier personnage de comics inventé par Robert Crumb, dessinateur à l'esprit subversif, à qui le Musée d'Art Moderne de Paris rendait hommage à travers une exposition de dessin l'an passé. Ralph Bakshi en fit cette adaptation cinéma afin de donner vie au matou anarchiste, et dans le même temps, au premier film d'animation classé X. Rien de surprenant puisque parmi les personnages du film, Fritz rencontre par exemple un corbeau du Bronx voleur de voiture, de nombreuses filles faciles, un lapin vivant dans le désert défoncé à l'héroïne, chevauchant sa Harley ornée d'une croix gammée... Ou bien encore, entre autres hippies fumeurs de crack et obsédés sexuels, il croise la route de deux cochons policiers extrêmement maladroits à tel point que l'un d'entre eux se retrouve le sexe à l'air à tirer sur des malfrats depuis l'intérieur d'une synagogue. En clair, Fritz Le Chat dépeint une société underground existante en profitant de l'anthropomorphisme pour caractériser chaque milieu avec fracas et distance. La dureté des constats se trouve amortie par l'aspect farfelu des personnages.

Si leurs traits restent caricaturaux, loin de toute réalité humaine, les décors s'inspirent de photographies réelles des rues de NYC, ils sont calqués sur une réalité visuelle. Ainsi le film place le spectateur, à l'époque, dans un cadre qui lui est familier et dont le rayonnement culturel ne cesse de prendre corps, avec par exemple la sortie du double album de John et Yoko «Some Time In New York City » la même année. Le film le présente bien entendu avec un regard beaucoup plus critique et heurte le monde du cinéma en faisant preuve d'une liberté de ton exceptionnelle, installant sur l'écran les tensions communautaires, les dérives d'une société, tout comme l'envie de se frotter à un pouvoir politique qui ne s'intéresse pas à la vie de son bon peuple regroupé en basse-cour.

Un film-ovni à voir en version originale absolument.

 

Article initialement publié au sein de la revue étudiante "La Fée Verte - Gazette des étudiants en Arts de l'UFR des Arts d'Amiens N°3 (Octobre 2013)" PDF

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