La plus unique des orgies : The Movie Orgy diffusé à Amiens au 31è FIFA

C’est au Ciné St Leu que l’évènement spécifiquement adressé aux cinéphiles s’est déroule durant le 31è festival international du film d’Amiens avec la projection de l’anarchique et néanmoins limpide The Movie Orgy. Le plus impressionnant à la sortie et après avoir digéré ces quatre heures trente en trois bobines, c’est le net sentiment que le public faisait partie du film en lui-même. Bruits d’ouverture de paquets de gâteaux, pauses toilettes pour certains spectateurs, envie d’en griller une pour d’autres…jamais nous n’aurons vu projection plus libertaire et mouvementée.

Joe Dante nous disant avant le début de la projection que « toute sortie n’est pas définitive », incitant les spectateurs à se mettre à leur aise, à ne pas se sentir gênés si l’envie leur prend d’aller se dégourdir les jambes quelques minutes. Une idée brillante puisque sous ces conditions, aucun spectateur n’est sorti sans revenir dans la salle. Nous avons même gagné un spectateur durant la deuxième bobine, avec un Joe Dante visiblement nostalgique qui s’est pieusement glissé dans la salle au milieu des curieux afin de fixer l’écran d’un regard soutenu, avec sans doute une certaine fierté à l’écoute des rires s’échappant des travées.

« Collage de pop-culture américaine des années cinquante et soixante ». C’est ainsi que Dante nous résumait le projet The Movie Orgy. (Voir notre entretien dans ces pages). Concrètement, c’est un film de montage utilisant une montagne d’images préexistantes sans jamais en avoir acquis les droits d’exploitation. Un ovni qui met en lumière le caractère politisant des programmes populaires diffusés aux Etats-Unis durant des années de guerre froide, d’éventuel Holocauste Nucléaire. Une tension quotidienne parfaitement soulignée par les images diffusées et par leur articulation, très cut.

Parmi les fragments de programmes détournés nous faisons donc la rencontre de personnages que toute une génération d’américains ont fréquenté durant leur jeunesse : Speed Crazy et son personnage central Nick Barrow, Earth Vs. Flying Saucers en tant que débuts de la science-fiction américaine, ou encore Beginning Of The End de Bert I. Gordon, et son attaque de sauterelle géante sur Chicago. Il est par ailleurs intéressant de noter que nombre de ces extraits semblent témoigner des influences choisies par Dante pour ses films plus récents. Panique Sur Florida Beach (1993) rend hommage à ces films avec le personnage de Lawrence Woolsey, réalisateur de films à sensations organisant la projection de son « Mant ! » dans lequel la sauterelle est remplacée par une fourmi « nucléaire ».

La politique est également évoquée par les extraits choisis pour créer ce panorama sur l’Histoire américaine. The Movie Orgy est donc saupoudré d’interventions télévisées de Nixon, ou encore de messages publicitaires ventant les mérites d’armes ou de munitions, en faisant usage de slogan comme « Combien de temps faut-il à une balle pour tuer un rouge (un communiste) ? ». 

Le caractère unique et évènementiel de cette projection, réel coup de maître de la part de l’organisation du Festival International du Film d’Amiens, nous vient du fait que ce film ne peut théoriquement pas être exploité commercialement. Cette projection fut donc la première et sans doute la dernière sur le territoire français. La législation impose que ce film se fasse discret, elle empêche l’exploitation de ces images, dont les propriétaires n’ont jamais donné d’accord à Joe Dante pour leur diffusion. Déplorable vous direz-nous. Prions pour que les disques ayant servi au Festival se soient perdus quelque part, au choix, dans un graveur. Car c’est un film qui révèle beaucoup sur la complexité du fonctionnement de la propagande, du commerce, de la diplomatie, de l’électoralisme et surtout, du cinéma.

Projection en présence de Joe Dante au Ciné St Leu, le 17 Novembre 2011 à l'occasion du 31è Festival International du Film d'Amiens. Article initialement publié au sein de la revue étudiante "La Fée Verte - Gazette des étudiants en Arts de l'UFR des Arts d'Amiens N°1 (Mars 2013)" PDF

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